La naissance d’un monde
J’avais jusqu’alors une vision de son univers limitée à ses couleurs vives et gaies, à des tableaux où l’humour, l’imaginaire, le symbolique occupaient une place de première importance, mais je ne percevais pas encore toute la profondeur de cette oeuvre.
En m’approchant de sa démarche créatrice, notamment par la lecture de ses écrits j’ai été conduit à m’en inspirer dans mon travail de compositeur.
La musique à l’instar de la poésie joue un rôle majeur dans la force suggestive de ses tableaux. Miró y trouve une source d’inspiration et un véritable moyen d’évasion.
Ses goûts musicaux vont des classiques Bach, Beethoven, Mozart, aux modernes De Falla, Stravinsky, Ravel, Bartók, Schoenberg, en passant par le jazz qu’il découvre lors de son séjour new-yorkais en 1947.
Miró confie au critique d’art Georges Charbonnier que pour lui « une toile est un rythme musical et poétique » et qu’il « ne différencie pas le poète, le musicien, le peintre ».
En effet, Miró explicite dans ses écrits un processus de création qui semble à plusieurs égards commun à la composition picturale, poétique ou musicale.
En premier lieu vient la suggestion : le peintre part du trait, le poète du mot et le musicien de la note. Cette première étape libre et inconsciente est celle du geste pur, du mouvement parfois incontrôlé qui laisse libre cours au hasard, à l’accident. Puis vient l’organisation des formes, et enfin l’enrichissement de la composition.
On retrouve ces trois données dans la composition musicale et dans la pratique de l’improvisation.
S’est imposé alors à moi comme une évidence le besoin de donner une lecture musicale de l’oeuvre de Joan Miró. C’est en m’inspirant de sa peinture et de son esthétique créatrice que j’ai commencé à imaginer un projet mêlant musique écrite et improvisation libre.
Paul Abirached
Miró à la rencontre d’Ubu
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Hikmet Thiéry trombone
En 2009, Paul Abirached travaille à la création d’une commande du musée Matisse du Cateau- Cambrésis dans le cadre de son exposition Miró et Tériade, l’aventure Ubu.
Ce sera l’occasion pour lui de collaborer directement avec un musée, et de pouvoir accéder de façon très concrète à l’oeuvre de l’artiste.
Il imagine alors une suite en trois parties pour guitare et trombone, directement inspirée du travail de Miró sur le personnage d’Alfred Jarry : Ubu Roi, Ubu aux Baléares, L’enfance d’Ubu.
Cette création donnera lieu à un concert unique, au coeur de l’exposition, où les musiciens présentent leur travail entourés des marionnettes géantes peintes par Miró pour la pièce de théâtre catalane Mori el Merma.
6 décembre 2009 : Miró à la rencontre d’Ubu, Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis
Photos © Laetitia Laguzet
Vidéo © Delphine Lévy
Ceci est la couleur de mes rêves
Virgile Lefebvre saxophone soprano
Julia Gomez lecture
Créée en 2007, Ceci est la couleur de mes rêves est une pièce écrite pour saxophone soprano et guitare, co-écrite avec le saxophoniste Virgile Lefebvre.
A l’origine de ce projet, Paul Abirached a voulu livrer une lecture musicale du parcours créatif de Miró, depuis sa peinture des débuts, profondément ancrée dans la nature catalane, dans la réalité du détail, dans l’émerveillement, jusqu’à une peinture du rêve, poétique.
Tour à tour figuratives, abstraites, espiègles, drôles, parfois sombres, empreintes de tristesse et de nostalgie, ces pièces musicales se veulent le reflet d’un univers double, celui du jeu, de la couleur, animé par un alphabet de symboles, mais aussi celui de l’espace vide, du noir, habité par des figures fantômes, spectrales.
Les musiciens ont choisi d’ajouter une dimension littéraire à ce projet à travers une part méconnue du travail de Joan Miró : sa poésie. La comédienne espagnole Julia Gomez a alors rejoint le duo guitare saxophone soprano.
Le choix des poèmes s’est fait à partir de deux corpus de textes correspondants aux années 1936-1939 et 1945-1955.
La première période est celle des années où Miró vivait à Paris, prenant conscience dans sa solitude de la réalité accablante des événements relatifs à la guerre civile en Espagne.
Incapable de peindre, l’écriture poétique devient pour lui un substitut à la peinture.
Miró projettera l’envie d’éditer ces poèmes sous la forme d’un livre, ainsi qu’il l’indique dans des notes datant de 1938-1939 :
La seconde période est celle des Titres-Poémes.
Inspirés par sa poésie des années 30, ils sont comparables à une sorte d’accompagnement des tableaux.
De façon comparable à sa peinture, la poésie de Miró se présente comme une constellation d’images, de rythmes, sans logique apparente, pure résultante d’une création qui laisse libre court au flux de l’inconscient.
Les mots entrent en résonance avec les images qui se forment sur la toile, renforçant ainsi l’allusion poétique.
Là encore il est frappant de voir les parallèles établis entre peinture, poésie et musique qui participent du même processus créatif.
14 mars 2009 : Samedis musicaux de Pradès
20 novembre 2008 : Musée de la Chartreuse de Douai (exposition Joan Miró, la métaphore de l’objet)
25 avril 2008 : Festival Mucho Mas Mayo, Alliance Française de Cartagena
18 avril 2008 : Institut Français de Valencia
17 avril 2008 : Institut Français de Madrid
22 novembre 2007 : Musée des Beaux-arts de Nantes
4 novembre 2007 : Sept Lézards, Paris
21 juin 2007 : Institut Français de Madrid
3 juin 2007 : Sept Lézards, Paris
29 avril 2007 : Sept Lézards, Paris
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Virgile Lefebvre : saxophone soprano, composition
enregistré aux 7 Lézards, Paris, le 3 juin 2007
Vidéo © Delphine Lévy
Affiche design © Zeina Abirached