Le projet présenté par Paul Abirached me semble non seulement prometteur et très intéressant, mais important pour comprendre et favoriser ce qu’on appelle la « création » aujourd’hui, son développement (du côté des « créateurs » de la culture « culturelle »). Il s’agit très en général d’un projet de « composition » multi-arts, si j’ose dire, lui-même attaché à « posséder » plus à fond un grand modèle de notre modernité : le modèle MIRO.
Il s’agit pour un jeune musicien, sensible à la peinture et à la poésie, et en tant qu’artiste contemporain aux prises avec la complexité des alliances et alliages, de pénétrer plus profondément, plus explicitement, un paradigme excellent de cette modernité, de « l’accompagner », si je puis dire, en accompagnant le « processus commun à la composition picturale, poétique et musicale ». De ne plus se contenter de prôner les « correspondances » et les œuvres composites, mais de composer lui-même une « preuve » de sa relation musicale avec le « travail » de Miró – y incluse centralement la pensée plastique et poétique de Miró (« donner une lecture musicale de l’œuvre de Joan Miró ») – cette œuvre d’une fabuleuse fécondité au cœur du XXème siècle.
En même temps (le nôtre) où l’affaire de la créativité semble relever toujours plus de la « réciprocité des preuves » échangées entre « les arts », pour continuer d’employer ce pluriel traditionnel lui-même abondé par la prolifération technologique d’alliages neufs et d’inventions « entre » arts, comment pénétrer au cœur du processus, l’expliciter d’avantage, ajouter à la coopération plastico-poético-musicale, cette triple écriture, cette manière complexe « en quoi » se joue la créativité de notre culture culturelle dans la continuation et la transposition d ‘un très grand modèle moderne ?
Paul Abirached décrit la maturation de son expérience en faisant bien ressortir sa lente et invasive « miró-isation » ; qui s’inspire d’abord de sa peinture et de son esthétique créatrice « pour imaginer son propre projet » ; puis en ajoutant une dimension littéraire par la lecture et l’audition de l’œuvre poétique (peu connue) de Miró ; pour en venir à cette nécessité de plonger dans le milieu profond, nourricier, de l’œuvre-modèle, à savoir de vivre longuement par expérience, dans la matière d’Espagne, et catalane, matrice de l’œuvre de Miró.
Je crois très juste de permettre à Paul Abirached de s’imprégner, pour la réalisation de son projet musical, de la topographie du parcours créatif de Miró ; du milieu de la genèse et du développement de l’œuvre destinale de Miró. Qu’on me permette d’assortir cette estimation d’une généralité : il semble en effet que ce qui menace l’objectivité, ou « universalité », de maintes créations contemporaines soit à chercher du côté de l’arbitraire « spontanéité » des associations, impulsions ou idiosyncrasies des « artistes ». N’oublions pas que le vocable « surréalisme » en est venu à signifier pour le « grand public » non pas l’inventivité soumise à la loi d’une génialité obstinée, mais l’association arbitraire de quoi-que-ce-soit avec « n’importe quoi »...au point que contribuer à soustraire Miró à cette doxa équivoque du « surréalisme » serait utile – en entrant plus profondément dans le « laboratoire central » d’une grande œuvre et accompagnant ses secrets de fabrication (Paul Abirached parle à juste titre de son « alphabet de symboles » ») : le projet intelligent de Paul Abirached, centré sur la poésie poétique de Miró comme sur la catalyse de son œuvre me semble correspondre à ce besoin d’ « objectivité » que je viens d’évoquer.
Michel DEGUY, poète, écrivain
Il s’agit pour un jeune musicien, sensible à la peinture et à la poésie, et en tant qu’artiste contemporain aux prises avec la complexité des alliances et alliages, de pénétrer plus profondément, plus explicitement, un paradigme excellent de cette modernité, de « l’accompagner », si je puis dire, en accompagnant le « processus commun à la composition picturale, poétique et musicale ». De ne plus se contenter de prôner les « correspondances » et les œuvres composites, mais de composer lui-même une « preuve » de sa relation musicale avec le « travail » de Miró – y incluse centralement la pensée plastique et poétique de Miró (« donner une lecture musicale de l’œuvre de Joan Miró ») – cette œuvre d’une fabuleuse fécondité au cœur du XXème siècle.
En même temps (le nôtre) où l’affaire de la créativité semble relever toujours plus de la « réciprocité des preuves » échangées entre « les arts », pour continuer d’employer ce pluriel traditionnel lui-même abondé par la prolifération technologique d’alliages neufs et d’inventions « entre » arts, comment pénétrer au cœur du processus, l’expliciter d’avantage, ajouter à la coopération plastico-poético-musicale, cette triple écriture, cette manière complexe « en quoi » se joue la créativité de notre culture culturelle dans la continuation et la transposition d ‘un très grand modèle moderne ?
Paul Abirached décrit la maturation de son expérience en faisant bien ressortir sa lente et invasive « miró-isation » ; qui s’inspire d’abord de sa peinture et de son esthétique créatrice « pour imaginer son propre projet » ; puis en ajoutant une dimension littéraire par la lecture et l’audition de l’œuvre poétique (peu connue) de Miró ; pour en venir à cette nécessité de plonger dans le milieu profond, nourricier, de l’œuvre-modèle, à savoir de vivre longuement par expérience, dans la matière d’Espagne, et catalane, matrice de l’œuvre de Miró.
Je crois très juste de permettre à Paul Abirached de s’imprégner, pour la réalisation de son projet musical, de la topographie du parcours créatif de Miró ; du milieu de la genèse et du développement de l’œuvre destinale de Miró. Qu’on me permette d’assortir cette estimation d’une généralité : il semble en effet que ce qui menace l’objectivité, ou « universalité », de maintes créations contemporaines soit à chercher du côté de l’arbitraire « spontanéité » des associations, impulsions ou idiosyncrasies des « artistes ». N’oublions pas que le vocable « surréalisme » en est venu à signifier pour le « grand public » non pas l’inventivité soumise à la loi d’une génialité obstinée, mais l’association arbitraire de quoi-que-ce-soit avec « n’importe quoi »...au point que contribuer à soustraire Miró à cette doxa équivoque du « surréalisme » serait utile – en entrant plus profondément dans le « laboratoire central » d’une grande œuvre et accompagnant ses secrets de fabrication (Paul Abirached parle à juste titre de son « alphabet de symboles » ») : le projet intelligent de Paul Abirached, centré sur la poésie poétique de Miró comme sur la catalyse de son œuvre me semble correspondre à ce besoin d’ « objectivité » que je viens d’évoquer.
Michel DEGUY, poète, écrivain